La Laponie en van, témoignage insolite et décalé

Cher van,

Après 2 mois en ta compagnie en Laponie, après 2 mois d'itinérance entre Suède, Finlande et Norvège, je te le dis, je te l'annonce : je t'aime, je te déteste. 

Mais avant tout, je te respecte et je te remercie. Tu m'as transporté. Tu m'as accueilli. Tu m'as logé. Tu m'as fait découvrir tant de choses. Tu m'as protégé de la pluie et du froid. Enfin, autant que tu as pu. Tu m'as ouvert à de nouveaux horizons. Tu as été fiable, fidèle, persévérant, assidu, loyal et dévoué. 

Mais aussi, tu m'as énervé. Passer tant de temps avec toi a pu être gonflant. Devoir toujours être là à te surveiller et être quelque part dépendant de toi, c'était parfois pesant. J'aime pas trop être dépendant moi, tu le sais. Et puis, t'as surtout été gourmand en essence. Mais toutefois, et tu seras certainement d'accord avec moi, on en aura passé des sacrés moments ensemble.


Tu te souviens de quand on roulait le long de la rivière Tana, frontière finno-norvégienne ?
Tu te souviens de quand on filait à toute vitesse au bord de la mer de Barents ?
Tu te souviens de quand on était émerveillé et ému en écoutant la radio Sami ?
Tu te souviens de quand les rennes se rapprochaient de toi avec des airs inquisiteurs ? 
Tu te souviens de quand on s'arrêtait n'importe comment pour prendre des photos des paysages ?
Tu te souviens de quand je montais sur ton toit pour avoir une vue plus dégagée ?
Tu te souviens de quand les oiseaux, eux aussi, montaient sur ton toit la nuit et me réveillaient ?
Tu te souviens de quand on admirait des doubles arcs-en-ciel dans les Lofoten ? 
Tu te souviens de quand on roulait à seulement quelques mètres de la Russie ?
Tu te souviens de quand on a atteint le 70ème parallèle Nord ? 
Tu te souviens de quand on a accueilli des auto-stoppeurs polonais et des étudiants de Strasbourg ?
Tu te souviens de quand je mangeais tranquillement sur la plage à 23h après être allé nager ? 


Et et et... 

Peut être qu'on se souvient déjà plus de tout, on s’emmêle les pédales, surtout toi, et on commence ainsi à tout mélanger. Mais l'important est ailleurs non ? Parce que tout ne dépendait pas de là où on regardait, tout dépendait en fait de comment on regardait, avec quelle attitude, quelle volonté, quel besoin. Et puis, l'important résidera sûrement dans ces choses bien plus profondes que nous aurons découvertes, dans ces émotions intenses que nous aurons ressenties, dans ces espaces sauvages que nous aurons traversés. Et l'important résidera aussi dans ces secrets que nous partagerons. Puisque non, on ne dira pas tout non plus. Parfois, les mots ne suffiront plus pour raconter ce que nous avons vécu sur la route. Pas assez forts, pas assez justes, pas assez vrais ou pas assez sincères.

Ainsi,

Tu ne raconteras pas que je me cognais la tête en m'habillant le matin.
Tu ne raconteras pas que je chassais ridiculement les moustiques avant de dormir le soir.
Tu ne raconteras pas que je mettais parfois cinq minutes a trouver un caleçon après la douche.
Tu ne racontes pas que je mettais parfois dix minutes à trouver des chaussettes après la douche. 
Tu ne raconteras pas que parfois, de douche, il n'y en avait pas.
Tu ne raconteras pas que je sursautais au moindre bruit la nuit.
Tu ne raconteras pas que je roulais parfois trop vite. Bien trop vite ? 
Tu ne raconteras pas que je chantais parfois tout seul sur la route. 
Tu ne raconteras pas que je parlais parfois tout seul sur la route.
Tu ne raconteras pas que je dansais parfois tout seul sur la route. 
Tu ne raconteras pas que je mangeais parfois les boites crues parce que j'avais la flemme de cuisiner.

Non, non, non, s'il te plait, tout ça, et tout le reste aussi, tu ne le raconteras pas. 


Mais comme deux vieux copains qui passent tout leur temps ensemble, on s'est peut-être énervé l'un contre l'autre, au fond, tu le sais comme moi, on se manquera forcément. On sera rapidement nostalgique, mais jamais triste, ça non, bordel, on n'aura pas le droit. On devra toujours être fier de ce qu'on a fait parce que mine de rien, c'était quand même quelque chose. On aura vécu différemment pendant quelques semaines. Plus simplement. On est revenu quelque part à des choses plus authentiques. Pas pour se se couper du monde mais pour se tester, faire travailler son imagination dans les moments plus calmes, découvrir de nouvelles façons de penser et apercevoir des horizons différents. Pour se coucher plus tôt. Pour se lever plus tôt. Pour en sortir grandi. Toujours un peu plus. En d'autres mots, pour voyager avec un grand V et s'ouvrir aux autres. Et puis surtout, last but not least, parce qu'en suédois, "min vän" veut tout simplement dire "mon ami". 

Merci pour tout bus magique, version van. 

Ton compère, 

Léon

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