Ma première course de rennes en Laponie
Hej alla,
Des expériences inédites que j'ai pu faire ces derniers temps au Nord de la Finlande, observer une course de rennes au milieu des éleveurs a certainement été l'une des plus incroyables. Pour en savoir plus sur ce moment unique et afin de s'immiscer dans un monde tout à fait particulier, voici le récit d'un enivrant dimanche passé autour d'un stade en compagnie de plusieurs dizaines de rennes.
Tout commence donc le dimanche matin, il fait froid, le temps est gris, les visages sont toujours endormis. En arrivant au stade, la première chose qui me saute aux yeux est l'alignement des 4 drapeaux nordiques suivants : finlandais, suédois, norvégien et same. Je suis intérieurement heureux de voir les couleurs autochtones flotter au même niveau que les autres pays du Nord de l'Europe, et d'humeur taquine, je n'hésite pas à le faire remarquer à mon entourage. Ce n'est pas grand chose vous me direz, mais j'aime cette image et j'aime attacher de l'importance à ce symbole.
Quelques minutes plus tard, je me rapproche sereinement du départ de la course, j'essaye de ne pas glisser, je fais des photos. Je prends la température, au sens propre comme au figuré. Je vois d'innombrables rennes en contrebas, et je suis ravi de les revoir après quelques mois passés loin d'eux. Je crois bien que je souris. En même temps, j'essaye rapidement de comprendre comment la course est organisée et je réalise que 4 skieurs et 4 rennes vont prendre le départ à chaque fois. Le principe semble simple : le premier ayant effectué un tour de piste gagne.
La compétition commence pile à l'heure, rigueur nordique oblige, et je n'ai pas le temps de rêvasser. Je suis de suite épaté par la puissance des rennes qui sortent très rapidement des blocs de départ, et cela peu importe s'ils doivent en même temps tirer un skieur dans leur dos ou non. Je suis aussi un peu interloqué par l'apparence des animaux. Ils n'ont pas de bois, pour des raisons de sécurité évidentes, et semblent bien plus musclés que ceux que j'ai pu voir auparavant.
Quelques dizaines de secondes plus tard, à la fin de la course, les skieurs franchissent la ligne d'arrivée et relâchent les deux cordes les reliant à l'animal. Ce dernier continue de courir et se dirige tout droit dans un cul-de-sac. Une fois la porte refermée, les rennes se font attraper par les éleveurs, et une autre course peut se préparer. Personnellement, je suis séduit en voyant la tête des animaux à ce moment précis. Leur visage est incroyablement, profondément drôle. Ils me regardent et ont l'air de sourire, la langue pendue, tout en reprenant leur souffle. Je ne me lasse pas de les observer et je suis fasciné par ces expressions absolument déroutantes.
Plus loin, d'autres rennes se reposent, mangent et ne semblent pas paniquer. Une fois en route pour la course, la donne est toutefois différente et je vois notamment un éleveur faire un invraisemblable vol plané en essayant de contenir son animal. Sa chute est tout bonnement effrayante. Je ne préfère même pas essayer de vous raconter le bruit de cet homme tombant la tête la première sur la glace. Malgré tout, après quelques mètres à se faire traîner sur le sol, l'éleveur réussit à se relever et stoppe l'animal avec autorité. Il n'est pas blessé, heureusement, et tout le monde commence alors à éclater de rire, presque par réflexe, presque comme si c'était obligatoire. Je suis un peu abasourdi, et l'éleveur, vraisemblablement vexé, probablement sonné, préfère continuer son chemin comme si de rien n'était.
Après m'être réchauffé plusieurs minutes à l'intérieur, je retourne autour des éleveurs et je me sens fier de pouvoir passer du temps dans un univers qui n'est pas vraiment le mien. Je ne comprends pas toujours tout, je découvre beaucoup de choses, je me pose des questions certainement stupides mais je suis content de pouvoir vivre ces moments précis. J'ai la chance d'être au milieu de ces familles où le renne a toujours son importance. Je passe mon temps à observer la réaction des gens pendant le reste de la journée, et je peux imaginer de nombreuses expressions sur ces visages marqués par le froid. Ainsi, selon le déroulement des courses, selon quel renne domine et selon quel renne est en retard, je peux ressentir du suspens, de la tension, de la joie et surtout, je peux voir beaucoup de fierté. Oui, le renne est un animal spécial pour certains locaux, et gagner une course apporte alors une belle dose de prestige à l'éleveur victorieux et ses proches.
Autour de moi, en même temps, j'entends aussi plusieurs langues différentes. Je reconnais du finnois, du norvégien, du suédois, de l'anglais, et j'imagine que les autres langues que je ne connais pas sont du Sami de la région, mais je ne pourrais le confirmer. J'essaye de capter la mélodie de ce langage que je n'ai jamais entendu mais dont j'aimerais tant en savoir plus, et j'admire les différentes générations communier entres elles. Je regarde les habits des gens et je suis particulièrement fasciné par un homme entièrement recouvert de fourrure de renard. Je vois des chaussures en peau de phoque, des couteaux d'éleveurs, de merveilleux bonnets traditionnels, et au final, je passe autant de temps à observer les vêtements des gens que les personnes elles-mêmes. Je devine des symboles autochtones et je me demande aussi d'où ils peuvent bien venir. Je ne m'intéresse peut-être pas à la course de rennes autant que je le devrais, je ne sais même pas qui a gagné, mais je suis sous le charme de tout ce qui se déroule tout autour.
Au final, même si l'élevage de rennes n'est pas exclusivement réservé aux autochtones en Finlande, comme c'est le cas en Suède et en Norvège, cela ne signifie pas pour autant que la culture Sami est absente de ces événements du Grand Nord finlandais. C'est certainement ce que j'ai envie de retenir de cette belle journée passée en Laponie.
Suggestion musicale pour parcourir l'article: Jon Henrik Fjällgren - Manne Leam Frijje
Vi ses,
Léon
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