Le marquage des rennes en Laponie finlandaise
Hej alla,
En Laponie finlandaise, le marquage des rennes - à ne pas confondre avec le tri des rennes qui a lieu plus tard dans la saison - se déroule au début de l'été, quelques semaines après la naissance des faons au printemps. Le but de cette opération est de marquer l'oreille des nouveaux-nés pour savoir à qui ils appartiennent. Bien que des différences locales existent selon les villages, des tendances plus générales sont aussi à noter. Il est ainsi impossible de vraiment prédire quand un marquage aura lieu et il faut s'avoir s'adapter selon la météo et l'attitude des animaux. Il n'est pas toujours possible de faire comme prévu et l'influence d'éléments extérieurs imprévisibles est souvent grande. Si l'on souhaite assister à un marquage en Laponie, il est alors bon d'être flexible, d'avoir ses affaires à disposition et d'être capable de se mettre en route dès que le téléphone sonne. C'est plus ou moins ce que j'essaye de faire quand la saison en question approche.
A la fin du mois de juin, après quelques jours d'attente et quelques occasions ratées, le fameux coup de fil arrive enfin. L'association d'éleveurs de rennes de Rovaniemi m'invite à me joindre à eux pour assister à un marquage. Tout excité, j'accepte sans réfléchir plus longtemps. Sans même jeter un coup d'oeil à mon agenda. Pas besoin. Je dois y aller. Je le sais. Il est inconcevable de manquer une telle expérience. Mélodie, collègue française du projet SAMES, est bien entendu aussi de la partie. Très rapidement, nous quittons Rovaniemi en van en fin d'après-midi. Nous ne savons pas vraiment quand nous reviendrons. Tard, certainement. Le lendemain au petit matin, peut-être même. Qui sait ? Le marquage peut durer de quelques heures à toute une nuit, selon le nombre de rennes et les méthodes employées par les éleveurs. Nous ne savons pas vraiment ce qui nous attend, mais nous sommes d'accord pour avancer que c'est aussi là que se situe le charme des marquages. L’inattendu, l'incertitude, l'adaptation, éléments essentiels de la vie proche de la nature et des rennes en Laponie !
Nous quittons la route principale au bout de quelques dizaines de kilomètres. Nous croisons déjà quelques animaux. Une fois n'est pas coutume, nous pilons afin de les éviter. Le van vacille de gauche à droite et nous sommes déjà bien secoués. Ici, souvent, l'aventure commence dès la ville quittée. Parfois même avant. Nous faisons connaissance avec de jeunes locaux assis à nos côtés dans le véhicule. Ils semblent surpris mais enchantés de nous voir parmi eux. Ils nous demandent timidement ce que nous faisons dans la région, comment on trouve la Laponie, et surtout, comment on s'en sort pour dormir avec le soleil de minuit. Les plaisanteries fusent à ce sujet et l'ambiance devient vite plus légère. Elle nous ferait presque oublier la piteuse qualité du chemin, les têtes qui cognent contre les vitres et les caisses qui se promènent librement dans le coffre. Presque, pas entièrement.
Nous quittons la route principale au bout de quelques dizaines de kilomètres. Nous croisons déjà quelques animaux. Une fois n'est pas coutume, nous pilons afin de les éviter. Le van vacille de gauche à droite et nous sommes déjà bien secoués. Ici, souvent, l'aventure commence dès la ville quittée. Parfois même avant. Nous faisons connaissance avec de jeunes locaux assis à nos côtés dans le véhicule. Ils semblent surpris mais enchantés de nous voir parmi eux. Ils nous demandent timidement ce que nous faisons dans la région, comment on trouve la Laponie, et surtout, comment on s'en sort pour dormir avec le soleil de minuit. Les plaisanteries fusent à ce sujet et l'ambiance devient vite plus légère. Elle nous ferait presque oublier la piteuse qualité du chemin, les têtes qui cognent contre les vitres et les caisses qui se promènent librement dans le coffre. Presque, pas entièrement.
Après une petite heure de trajet sur des routes forestières qui ne nous manqueront certainement pas, nous arrivons enfin au lieu du marquage. Nous sortons du véhicule et nous nous faisons directement attaquer par d'innombrables moustiques. Le ton de la nuit est donné. Presque comme prévu, il va falloir se battre avec les insectes. Nous sortons le répulsif, nous nous équipons de casquettes, bonnets et autres vêtements longs pour nous protéger autant que possible. Nous amenons le reste de nos affaires autour du feu et nous saluons les éleveurs déjà sur place. Après un petit moment à prendre la température (fraîche), nous allons par la suite dans l'enclos pour voir les rennes déjà réunis. Nous avançons calmement et ne disons pas un mot. Clairement, nous savourons ce premier instant à part. Les éleveurs finissent par se rapprocher des animaux, les premières palissades se mettent en place, le marquage va pouvoir commencer. Les rennes semblent le sentir et s'agitent tout doucement.
Dans un premier temps, il faut rassembler les faons dans une partie spécifique de l'enclos. Cela peut se faire par plusieurs vagues successives. L'idée initiale est de leur mettre un collier avec un numéro autour du cou. Ensuite, ce numéro sera utilisé pour savoir qui est la mère de chaque faon en question, et par extension qui est l'éleveur. La reconnaissance des rennes peut prendre du temps et les éleveurs discutent ensuite pour se mettre d'accord et valider la répartition des faons. Il est épatant de voir les éleveurs observer les animaux. La relation entre l'homme et l'animal est unique. Les caractéristiques pour déterminer le lien entre les différents rennes m'échappent et je ne peux malheureusement pas tout apprivoiser. Ce serait trop facile, bien entendu. La couleur, la forme, la proximité, l'attitude, tout se joue au détail près et il peut même parfois y avoir des désaccords entre les éleveurs. Dans ce cas-là, il s'agira de négocier, d'argumenter et de parlementer. Marquer les rennes est tout un art (de vivre) !
En effet, le marquage des rennes est aussi un moment particulier pour les éleveurs, puisque les familles profitent de ce moment pour se réunir et passer du temps ensemble. En dehors de l'enclos, il est courant de se rassembler autour du feu pour reprendre des forces et passer du bon temps. Le café coule toujours à flot et les saucisses à griller ne sont jamais trop loin non plus. Les plus âgés transmettent leur savoir particulier aux plus jeunes, qui écoutent souvent très attentivement. Ce seront certainement à eux de reprendre le flambeau plus tard et il n'est ainsi jamais trop tôt pour assumer ses responsabilités. Les enfants mettent volontairement les mains à la pâte familiale, ils connaissent les rennes et semblent très à l'aise avec eux. C'est pour nous un privilège de pouvoir vivre cela, cette interaction entre les hommes et les animaux, cette communion entre les jeunes et les plus âgés. D'une certaine manière, oui, l'élevage de rennes rapproche aussi les gens, et ce n'est pas pour rien qu'il est considéré comme un mode de vie à part entière par certains habitants de la région, quelque part plus au Nord.
Au fil de la nuit, qui reste toujours très lumineuse du fait du soleil de minuit, je cherche moi aussi à m'intégrer. Je rejoins les éleveurs pour l'étape finale du marquage, celle qui consiste à rassembler à nouveau les faons pour établir au couteau la marque des éleveurs sur les oreilles des animaux. Une fois un renne attrapé, il faut communiquer le numéro du collier pour savoir quelle marque effectuer. Chaque éleveur possède sa propre marque, qu'il connait par coeur et sait manier automatiquement, presque instinctivement. La rumeur veut d'ailleurs que certains enfants s’entraînent sur des peaux d'orange pour perfectionner leur geste, mais je ne peux le confirmer. Peu importe, au final, car dans l'enclos, les rennes courent toujours dans tous les sens. Je me fais secouer mais je tiens bon. Les poils se collent à mon bonnet, le sang coule sur mes chaussures, les moustiques jouent toujours avec mes nerfs mais je suis heureux d'être ici, fier de pouvoir participer à cette activité symbolique, content de pouvoir apprendre, tout simplement. Je comprends des choses que je ne soupçonnais même pas et je m'imprègne des cultures locales. C'est toujours un vrai plus.
Une fois le travail terminé, je me retrouve dans l'herbe, assis, au plus près des rennes. La fatigue se fait de plus en plus présente. Il est certainement tard. Les rennes passent à quelques centimètres. Ils n'ont peut-être même plus peur de nous. De quoi clôturer une belle nuit et rentrer prendre une douche certainement bien méritée. Nous ne savons plus quelle heure il est. Le soleil omniprésent nous fait perdre la tête. Nous sommes déboussolés. Nos organismes s'adaptent comme ils peuvent. Quelque part, nous le savons, le soleil nous nargue. Les moustiques aussi, encore plus. Mais pas les rennes ? Non, certainement pas les rennes.
Aller plus loin:
Cet article témoigne d'un marquage effectué non loin de Rovaniemi. Pour une idée de ce qui se passe plus au Nord, où la culture Sami est bien plus influente, n'hésitez pas à lire le témoignage de Mélodie de Projet Sames.
Cet article témoigne d'un marquage effectué non loin de Rovaniemi. Pour une idée de ce qui se passe plus au Nord, où la culture Sami est bien plus influente, n'hésitez pas à lire le témoignage de Mélodie de Projet Sames.
Vi ses,
Léon
Salut Léon,
RépondreSupprimerUn article proche de la réalité que je complèterai avec plaisir avec cette série d'articles "Vivre avec les rennes" publiés sur mon blog pour tous ceux que cela intéresse. ;)
http://destinationlaponie.fr/vivre-avec-les-rennes/
Bises de Laponie ;)