Aventures gastronomiques au nord de la Norvège

Hei hei,

Depuis mon énième retour en Scandinavie au début de l'hiver, j'ai à quelques reprises eu l'honneur d'apprécier des délices locaux concoctés par mes nouvelles connaissances nordiques. Des entrées attrayantes à d'exquis desserts, en bifurquant évidement par des plats de résistance des plus savoureux, je vous invite à mettre les pieds sous la table pour un récit inspiré de mes dernières découvertes culinaires au nord de la Norvège, accompagné de quelques réflexions légèrement plus poussées sur la relation entre la nourriture, l'espèce humaine et le voyage. La table est mise ? Alors, vite, que la gourmandise soit de mise ! 


Afin de réchauffer l’atmosphère et d'entamer cette promenade affriolante de la meilleure des manières, je suggère avant tout un petit verre de gløgg en apéritif. Ce vin chaud épicé, dont l'odeur reste intimement liée aux fêtes de fin d'année de ce côté du monde, est traditionnellement aromatisé avec des zestes de citron, du gingembre et des clous de girofle. Simple à concevoir, il ne déçoit que très rarement et demeure en outre un classique du nord de l'Europe qui a toujours l'avantage d'ajouter un peu de féerie dans l'air, s'il devait par hasard en manquer. Servons-le chaud avec des amandes et des raisins secs ! 


En entrée, l'indémodable fiskesuppe a de quoi plaire autant aux habitués qu'aux touristes de passage. Composée de saumon, de morue et parfois de loup, cette soupe onctueuse à souhait peut facilement être proposée avec des carottes, des poireaux, du fenouil, du céleri et du vin blanc. En plus d'utiliser de nombreux produits frais et de supporter activement la pêche des environs, la soupe de poisson de Norvège devrait permettre de réveiller les papilles des moins friands avant la poursuite de cette délicieuse escapade. Après tout, ne dit-on pas que l'appétit vient en mangeant ?

Au niveau des mets de résistance, les travers d'agneau séchés, salés et fumés - que l'on prénomme ici pinnekjøtt - constituent eux aussi une sorte de référence, bien qu'il faille plus de 24 heures pour les préparer correctement. Ils se consomment généralement avec de la purée de navet, des pommes de terre et du chou rouge. Le cabillaud à l'aneth et à la sauce à la moutarde réussit lui aussi à me taper dans l'oeil, tout comme les kjøttkaker, ces galettes de viande trop souvent comparées aux boulettes suédoises. Les différents pains nordiques, qu'ils soient polaires, au cardamome, aux fruits confits, aux noix, croquants, moelleux ou secs me conviennent tout autant et se marient de surcroît très bien avec les quelques fromages du pays, brunost caramélisé, geitost à la chèvre et jarlsberg au lait cru de vache en priorité.


Quand sonne enfin l'heure du dessert, je ne peux m'empêcher de penser directement aux engageants lefse. Ces fines crêpes de pommes de terre originellement fourrées au sucre, au beurre, aux amandes ou à la cannelle se mangeottent aujourd'hui de bien des manières. La confiture d'airelles, les douceurs au caramel fondant, la crème fouettée entourée de somptueuses baies arctiques ou les bonhommes de pain d'épices pepperkaker constituent un mélange plutôt représentatif des friandises nordiques à la mode. N'oublions pas non plus les lussekatter, ces brioches au safran que l'on façonne habituellement pour la Sainte-Lucie le 13 décembre. La mie incroyablement moelleuse, le jaune absolument éclatant et l'effluve tendrement corsée ne laissent que très rarement de marbre.


Vous l'aurez aisément deviné, goûter de nouvelles saveurs peut représenter une part conséquente d'un périple digne de ce nom. Peu importe votre origine, peu importe votre destination, et peu importe votre moyen de locomotion, il n'est ainsi pas forcément contradictoire de stimuler son cerveau tout en se remplissant l'estomac. Éveiller ses sens, varier les plaisirs gustatifs, oser chaque jour quelque chose de nouveau, honorer un met étranger comme il est sensé l'être, n'est-ce-pas aussi précisément là que réside l'intérêt-même d'être ailleurs ? Tenter, innover, se lancer, sortir de sa zone de confort, évoluer, changer. Que vaudrait un déplacement en Suède sans Surströmming, une incursion au Danemark sans Smørrebrød, un va-et-vient en Finlande sans Mämmi ou un tour dans le Sápmi sans Bidos ?


En Norvège, la logique est naturellement du même ordre et les excursions gastronomiques valent ici aussi le détour, notamment au nord du pays où plusieurs cultures interagissent depuis des siècles et des siècles entre terre et mer, viande et poisson, bœuf et crevette, porc et flétan, agneau et lieu, mouton et saumon, élan et hareng, lagopède et maquereau, phoque et écrevisse. La richesse interculturelle de la région se reflète à merveille au niveau de l'alimentation, et les spécialités les plus diverses peuvent être élaborées d'une saison à l'autre. Le crabe royal du côté de la frontière avec la Russie, le foie de morue pour les régions côtières et le cœur de renne dans les terres plus reculées sont des exemples simples qui illustrent pertinemment cette forte et inspirante pluralité. De la même manière, la façon dont les aliments sont travaillés, qu'ils soient fumés au coin du feu, séchés au bord d'un imposant fjord, dévorés crus au milieu de la toundra ou encore bouillis dans une cuisine ultra-moderne en dira énormément sur les différents endroits où l'on met les pieds. Pensons-y !


En effet, plus que les aliments eux-mêmes, plus que le simple goût qui émane de ces derniers, c'est avant tout ce qu'il y a derrière les fourneaux qui parfois importe, et qui m'importe. Quels sont les secrets de ces plats ? Pourquoi sont-ils confectionnés de cette manière et pas d'une autre ? Pourquoi l'un est valorisé alors que l'autre est plutôt perçu de manière négative ? Quelles sont les croyances qui se cachent derrière tout ça ? Qu'apprendre ? Que comprendre ? Face à de nouvelles flagrances, les questions peuvent vite devenir innombrables, car oui, la cuisine intrigue, suggère, murmure, enseigne et renseigne. Entre nature et culture, en tant qu'activité universelle et techniquement obligatoire, elle aide à interpréter des informations inestimables sur l'environnement, les modes de vie, les mentalités, les traditions, et surtout, sur la diversité humaine.

Mais au final, au fil de ces péripéties des plus appétissantes, je me surprends aussi à réfléchir de plus en plus à l'influence du décor et de tout ce qui se trouve autour du plat. On ne parle peut-être pas assez de l'emprise du contexte quand on parle de nourriture, n'êtes-vous pas d'accord ? Ces plats auraient-ils le même succès dans des situations différentes ? Laissez-moi en douter. Les attentes et références culturelles jouent à mes yeux un rôle prépondérant dans la façon dont on appréhende le bien-manger. Sans ces bougies qui apportent tant de chaleur et de réconfort dans la nuit polaire, sans entendre ces conversations en langues nordiques, sans ce design minimaliste typiquement scandinave, sans cette atmosphère feutrée, sans ce calme ambiant, ces dégustations seraient-elles aussi alléchantes ? Par conviction, par respect pour mes hôtes et par expérience : non, nei !

Ha det, 

Léon

Commentaires

  1. J'ai adoré ce plat. Si on leur donne l'occasion, je vais essayer de le faire pour toute la famille à profiter

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